8 avril 2020

J'ai porté un masque



J’ai porté les masques des autres mais on ne change pas.
J’ai porté des masques en multitude pour savoir la vie, tout entière.
J’ai porté les rôles sur les planches, souvent homme et parfois femme.
J’ai joué mal les mots des autres.
J’ai volé les masques car derrière je voulais l’authentique.

J’ai porté un masque sur les chantiers. L’amiante, ça tue, tu sais.
J’ai porté un masque de papier pour aller boucher une centrale nucléaire.
J’ai porté un masque à plumes et joué avec l’obscure.
J’ai mon masque. Venise. Richesse. Rituel.
J’ai porté un masque pour sauver la ville et arrêter les méchants.

J’ai porté un masque, Fantômette des étés de bibliothèque rose.  
J’ai porté un masque de grossesse. Enfants mangeurs de temps.
J’ai porté un masque noir dans un van noir avec des vitres teintées noires.
J’ai porté un masque dans la vallée des rois, des millénaires durant.
J’ai porté un masque de chaman.

J’ai porté un masque noir, souple en dentelle. Je l’ai oublié sur une table basse.
J’ai porté le masque de la mère, avec les enfants ribambelles.
J’ai porté le masque de la none, les nuits de chagrin.
J’ai porté le foulard carré, plié en triangle pour cacher mes cheveux. Et comme la bergère, pour jouer.
Je n’ai jamais porté de masque de chat.

J’ai porté le masque de singe. C’était pour du rire. Et je n’aime pas les moqueries.
J’ai porté le masque blanc, impassible miroir, émotions invisibles.
J’ai porté le masque posé au clou.
J’ai porté le masque à gaz avec une petite robe noire et des talons.
Mais je suis un homme et c’est interdit d’avoir des talons avec des poils aux jambes.

J’ai porté le masque à gaz dans les tranchées et je suis revenu gueule cassée.
J’ai porté un masque vert, presque transparent, un laissez-passer pour virus.
Je voudrais un masque pour ne pas être contaminée par les clients, chaque jour, derrière la caisse.
J’ai porté un masque en manif, pour me protéger des pavés volants.
J’ai porté un masque en manif, pour que fuck la police.

J’ai porté un masque pour protéger mon identité.
J’ai porté un masque quand je ne voulais pas être moi.
J’ai porté le seum, longtemps, d'être né au mauvais endroit au mauvais moment.
Je n’aime pas les masques, même pour le carnaval. Il fait chaud dedans.
J’aime l’air libre, et le vent dans les narines.

J’ai porté le masque des opérations qui nous fait dormir avant la fin de la phrase.
Je porte le masque avant d’entrer en salle d’op.
Je porte le masque pour aller au chevet des patients.
Un masque de survie, un masque de plongée, une bouteille à la mer face au virus indomptable.
Je porte le masque pour sauver la vie.

J’ai porté un masque tous les jours pour aller travailler.
J’ai porté un masque de conventions bien propres sur elle.
J’ai détesté les masques de clown, peur du rire triste.
J’ai porté le masque de sorcière. Une vraie.
Bas les masques, puissants menteurs !

J’ai porté un masque orange avec des liens violets.
Je porte mon masque et l’on voit toujours mes piercings.
J’ai cousu des masques en tissus pour mes voisins. Et un pour ma femme qui va au marché.
J’ai porté un masque parce que c’était obligatoire, aujourd’hui mais pas avant, pas pour aller voter.
J’ai porté un masque pour vivre.

J’ai porté un masque pour plonger dans la piscine.
Il y avait de l’oxygène dans la bouteille et un pull marine.
Je porte un masque à carnaval, je suis autre, homme ou femme peu importe.
J’ai porté un masque, acteur de théâtre antique.
J’ai porté un masque, et il porté ma voix vers la foule.

J’ai porté un masque pour aller chercher des billets au distributeur.
J’ai porté un masque FFPP3 parce que l’ex de ma collègue lui en a donné un.
Ma voisine chinoise m’a déposé un masque sur le pas de ma porte. J’ai 83 ans.
Je n’ai pas porté de masque. Plus d’usine pour en faire. Un marché libre concurrence.
Je n’ai pas porté de masque, et ma famille n’aura que mon urne pour pleurer.

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atelier écriture. Consigne : j'ai porté un masque (au sens figuré) quand (situations professionnelles, amicales, loisirs, etc)