6 juin 2021
Fuite
tout donné tout
Quand toutes les clefs sont sur la table
Quand il a vérifié qu'il les avait toutes
Même celle de mon sexe
Même celle de mes âmes
L'inconnu s'enfuit
Plus jamais je ne donnerai de clef au portier
Je la confierai aux gueux des chemins
sans retour
Au repas je convierai les autres convives
Ils porteront des vêtements blancs
Le fruit est connu
Dans son garage, les clefs sont pendues
au clou
aux perles
Toutes les clefs au mousqueton déjà loin
Je te l'ai remise entre les mains
Déjà je savais
la fuite
5 juin 2021
Toile d'espoir
Tout autour de mes livres, je file cocon, araignée sans soir, ils me protègent des insectes voraces. Ils sont trop nombreux, ils me submergent de culpabilité. Je n'y vais pas, je ne dépose mes mots pas dans une revue. Tout autour de mes revues, je file un mauvais coton de soliques solitudes. Je n'ai plus envie de parler ni d'écouter. Je n'ai pas envie de batailler à faire entendre mes mots, lettres parmi les autres, aucun propos différent, seule l'araignée grignote le temps.
1 juin 2021
Contreculture
Contre toute attente, ils avaient résisté. Personne n’y avait cru mais ils étaient toujours là. On les avait voulus « vintage » avec des affiches papiers à l’entrée, avec des files d’attente, des parfums de pop-corn trop sucrés et des sièges rouges.
Beau mais inutile, nous n’avons pas besoin de nous assoir. Nous n’avalons aucune nourriture et nos algorithmes performants gèrent les flux. Nous n’avons pas besoin de films. Nous avons surpassé nos créateurs. Nous avons ajouté à notre intelligence, des émotions juste pour le plaisir. Eh oui ! Nous avons découvert la notion de plaisir que nous sommes capables de nous procurer nous-même. Alors, qu’allons-nous faire dans ces salles obscures où l’on a poussé la reconstitution jusqu’à coller des chewing-gums sous les accoudoirs ?
Nous allons nous y sentir supérieur. Nous allons nous prouver encore et encore que la vie humaine fût si imparfaite. Nous regardons, écœurés, nos ancêtres maltraités sous les doigts fébriles et sales de ces êtres suintants et glaireux qui se glorifiaient d’améliorer leur quotidien. Nous les singeons en nous posant dans de larges fauteuils. Nous produisons des bruits de déglutition et de paquets de chips. Nous avalons de fausses images produites par de vrais humains d’époque.
Bien entendu, puisque nous concevons tout de manière supérieure, nous avons ajouté quelques améliorations à leurs dispositifs archaïques : prises sophistiquées pour y brancher nos câbles, service de maintenance intégré aux sièges et cocktails d’huile à la carte mère.
Ils avaient résisté tant qu’ils ont pu. Ils ont défendu leurs cinémas et même leurs droits. Ils ont hurlé que la culture sauverait le monde. Ils ont gagné. Les cinémas sont restés, mais eux sont tous morts de leur plus belle obsolescence native.