Selon toutes les apparences, il ne fera pas de vieux os. Tic tac tic.
Il le savait, c’est la malédiction. Son père, et le père de son père, et le
père de son père avant lui -tel Boby Watson, le cousin de la tante de Boby
Watson- ses pères, donc, tous morts à la même date, le jour de leur 33ème
anniversaire, à la même heure 13h33. Oh ! Cette histoire, il ne la
racontait à personne et surtout pas à Philibert, son amoureux. Il l’aurait pris
pour un fou. Il ne fera pas de vieux os, il le savait. C’est pourquoi chaque
jour à 13h33, il faisait une minute de silence en mémoire de lui-même. S’il
avait commencé ces minutes de silence à sa naissance, il aurait passé 12045
minutes à se taire. Lors de ces temps morts, pour ne pas s’ennuyer, il
composait vers, rimes et sonnets
Oh secondes féroces !
Pourquoi m’occirent
Et déclencher mes ires
Vous n’êtes que de sales rosses !
Ok, il vous l’accorde. Il n’était pas un grand poète. Il stoppa ses essais
et il prit une grande décision. Il allait demander Philibert en mariage. Quel
rapport avec la choucroute, me direz-vous ? Eh bien aucun ! Quand
vous connaissez l’heure et le jour de votre mort, il faut savoir trancher dans
le lard. On appelle ça : crise existentielle. Le lendemain, il courut acheter de
quoi seller leur alliance éternelle. Ni une ni deux, il monta quatre à quatre
les escaliers de leur maison, la bague au doigt. Il ouvrit la porte du bureau
de Philibert avec grand fracas. Il posa genoux à terre, pris une grande
respiration et… 13h33 dit sa montre. (Eh oui, il avait bidouillé un ingénieux système
de voix artificielle sur sa montre. Il ne fallait, en aucun cas, rater la
minute fatidique). Pris de court, au moment où il allait prononcer la phrase qui
allait faire basculer leur destin, il dû rester bouche cousue face à un
Philibert tout étonné de cette entrée tonitruante et silencieuse. Tic tac tic.
La minute se passe. Philibert se lève, cligne des cils et s’apprête à faire volte-face.
Son amoureux est-t-il devenu fou ? (Parenthèse : volte-face n’a rien à
voir avec Voldemort. Fin de la parenthèse). Tic tac tic. « Philibert !
Veux-tu m’épouser ? ». Le silence qui suivit cette déclaration dura
une minute ni plus ni moins. Mais pour l’homme éperdu, cet intermède dura une
éternité, celle-là même qui déboule lors de notre arrivée en enfer.
Philibert monta sur une chaise, attrapa un carton posé au-dessus de l’armoire, reposa pied-à-terre, le carton entre ses bras. (Je
laisse le lecteur/auditeur bien comprendre que l’opération qui consiste à descendre
d’une chaise, sans pouvoir utiliser ses mains et à la fois un exploit et une
scène ridicule). Quoi qu’il en soit, Philibert ouvrit le carton et en sortit un
haut de forme guindé qu’il plaça sur sa tête. « Alea jacta est ! »
vocifère l’amoureux chapeauté. Son compagnon désarçonné lui répondit par un
long silence qui dura une minute, ni plus ni moins. Le héros de cette histoire
comprit qu’il ajoutait beaucoup trop de minutes de silence à sa courte vie dont
l’échéance se rapprochait à grand pas. Saisit d’une inspiration, il répondit « Ite
missa est ».
Avouez qu’au stade de ce récit, vous ne connaissez ni
le nom du protagoniste ni sa fin tragique.
Vous ne savez pas non plus, si le Boby Watson dont nous avons parlé au début est
le Boby Watson qui est mort il y a deux ans et dont l’enterrement à eu lieu il
y a un an et demi, ou si nous parlions de Boby Watson, sa femme. Sachez seulement
que Philibert s’est marié, son haut-de-forme à la main, qu’une cantatrice
chauve étaient l’invitée d’honneur et qu’ils firent une minute de silence pour célébrer
l’évènement.
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Atelier d'écriture : mettre des expressions de la langue française, des mots composés, deux expressions latines. Consigne données au fur et à mesure de l'écriture