9 janvier 2020

Ce livre sans nom


Ce livre sans nom
dans mon esprit
un livre d’opaline ou de cru
un grand-père absent
les absents titre volume

Mais pourquoi crayon des lignes
Mais pourquoi les femmes paroles sur les hommes
depuis les hommes
d’après les hommes
Pourquoi pas les femmes paroles sur elles-mêmes
par elles-mêmes
d’après elles


Pourquoi les absents de la vie
les ignorants du quotidien
les aveugles du ticket de caisse abandon sur la table
les cécités de la chaussette abandon sur le dance floor

Pourquoi l’écrit des femmes
Les cris féminins
Toujours la même chose
Pourquoi leurs mots sur des absents ?
invisibles
lointains
aux confins de leur vie
sans arrêt
loin, échos sans réponse, échos, échos, échos…

Ce livre sans nom
dans mon esprit
danseuse sans répit
oubli d’amnésies
dimanche d’ennui
devant des séries

Ce livre sans lignes
dans ce carnet de chêne
oubli sur l’étagère
demain peut-être

Stylo à nouveau
Carnet vierge
Les femmes sans religion
les miennes
celles de ma famille
(la vraie des cœurs présents)
jupes trop coutes pour leurs filles lettre des voisins choc de pacotilles
Commerçants interdits
catholiques ou protestants choix obligatoire
cette ancêtre libre
Elle course chez protestants ou catholiques
Elle rien à diable
choix à la couleur du fruit
beau, confit ou défendu
sans étiquette de guerre

Les femmes de ma famille
Celle des gitans de nuit
le balcon
les cailloux contre les carreaux
la sœur qui silence
les parents sans bruit
la nuit au long feu de joie
Celle de l’immigré italien
Sacrilège !
dans la famille riche blanche de la grand place face au palais des papes pas à Rome

Au cœur des champs
    des vaches sur le pré
    herbe à plein estomac
    suspension de tempo
Au cœur des champs
   poésie de chêne
   aiku de là-bas
   brise douce chaleur
   des mots dansent
   sur la langue d’une inconnue
   sur la ligne diurne
Au cœur des près
   allergie d’été
   l’idée livre sans répit
   cris dans la bise

Elles diplômes
Pas moi
Elles études supérieures, littératures, prof de lettres, cagne et hypocagne, agrégées, et tout le tralala
Moi pas
Elles écrivaines, auteures, autrices, légitimes
Moi pas
Alors livre, heurts, pleurs, oubli

Ce livre inédit
au fond du tiroir
au fond de la mémoire
sans but
sans danse
Rêve à bout de feutre


***
Consigne : écrire sans verbe
Inspiration : Je, d'un accident ou d'amour de Loïc DEMEY édition Cheyne 2014