Seule sur la plage, je me suis éloignée des autres, de tous les autres. Ils se sont arrêtés pour faire des châteaux de sables attaqués par
la marée montante. Je veux communier avec la mer, me bercer de
vent et vivre l'intense au bout des cheveux. Le sable se confond avec la
mer qui se confond avec le ciel. L'immense platitude du monde aux seuls reliefs mouvants des nuages et des vagues. Je voudrais être la nature
dans sa complétude. Venteuse. Horriblement
froide pour juillet. Là-bas les falaises m'attirent, aimants de roches
vertes et brunes.
Je
marche les pieds dans l'eau, vêtue d'un long trench bleu indigo pour
hurler à la mer qu'elle se trompe. Tu devrais être bleue, bleue. Et toi,
le ciel, tu devrais être bleu. Et toi, la falaise tu serais lumineuse
et blanche. Je marche les pieds dans l'eau et j'aime ce moment tantôt
glacé, tantôt tiède.
Les vagues en d'insatiables rouleaux écumeux et marrons
gagnent du terrain. Je m’enivre du bruit, le sol fuit sous mes pieds, le
sable se fait la malle aux creux des vagues, le vent souffle en rafale,
l'eau retourne à la mer.
Tout est mouvement autour de moi. Au cœur des éléments, je suis. Sans prise sur ce mouvement incessant sans cesse renouvelé
toujours le même, je suis le plaisir d'être vivante. L'eau, le
vent, la terre, la tiédeur se mélangent, se dérobent à moi. Je suis
abandonnée aux sensations, à l'espace, aux éléments insaisissables.
A
mes pieds les mouettes jouent des vagues, tout en cherchant leur
nourriture. Dès que l'eau atteint leurs pattes, elle s'envolent ou
reculent comme les enfants sur la plage éventée. Le ciel et la mer sont
mêlés. Les nuages et le soleil se répartissent les cieux. Là-bas les
falaises m'attirent dans leur brouillard d'eau pâle. A leur sommet, un
village lointain est un rêve estompé par les
embruns venus de la mer. La lumière est indécise. Ici la réalité est
féérique, l'imaginaire est ancré dans le
réel, le sensationnel dans l'ordinaire. La liberté est rivée au sable
mouvant.
Éternité
Ce monde
est
Je suis vivante en abondance