17 février 2015

Artefact



Port à cath
Artefact
Tu es revenu dans ma vie au détour d’un texte
Je t’ai vu, je t’ai lu, je t’ai reconnu
J’avais oublié jusqu’à ton nom.
14 ans, pensez-vous, c’est assez long.
Des mots de cet autre blessé, tu as jailli de mon côté. 
J’avais eu l’audace de croire que tu y étais enfoui, à tout jamais.
Tu m’as sauté à la mémoire, sangsue négligée.
Je te croyais vaincu, annihilé, disparu.

Port à cath, tu n’as pas de définition dans le dico.
Seul les initiés te connaissent par ton nom : ceux qui t’imposent et te posent; ceux qui te reçoivent et en bavent.
Seuls les initiés lisent ta trace sur ma peau, signe de reconnaissance entre ceux qui savent.
Je t’avais oublié dans les méandres de mon cortex. Toi, tu ne m’as pas oublié.

Putain de port à cath, tu étais enfui. Même ton nom s’était effacé de ma mémoire. Je te croyais aux rebuts des déchets hospitaliers, recyclé, décontaminé. Dans les conversations, où l’on ose parler de « ça », ton empreinte permet de dire la maladie guérie. Je dis mon  deuil, voie rocailleuse qui serpente  du déni à une présence guérie, discrète et paisible. J'écoute la souffrance indicible des autres chauves.
Même ta cicatrice ne me faisait plus souffrir. A peine sentais-je, les jours froids et pluvieux, ton imperceptible gravure.
Ton utilité n’était plus, ton nom n’était plus. Je te nommais chambre avec une membrane.

Putain de port à cath, tu hantes mon écriture tandis qu'elle voudrait se tourner vers l'avenir, qu'elle voudrait se perdre dans les mots savants annonciateur d’une nouvelle tranche de ma vie. Tu inauguras, toi aussi, une nouvelle tranche de  vie, mais je ne t’avais rien demandé. Rien. Rien du tout.

Putain de port à cath, tu es dur
Dur sous ma peau
Dur sous ma sensibilité
Dur encore sous les années de guérison
Dur encore pour d'autres
Putain de port à cath, tu  fais mal au cœur.

Je t’ai porté comme bijoux de soumission à la maladie
Je t’ai porté comme chambre de passage entre la vie et la mort
Je t’ai porté comme espérance de la victoire
Je porte ton empreinte sur ma peau comme symbole de notre victoire sur la vie.
Je porte ton empreinte,  artefact, pour laisser s’écouler les mots de ceux qui te portent encore.