Le caca mou
C'est trop la honte
De puer
De puer du cul
D'avoir mal au bide
De faire puer les toilettes
De devoir y aller en urgence
De devoir aller aux toilettes au travail
parce que le caca commande
C'est la honte
Elle te colle au cul
La honte ne disparaît pas
La honte fait disparaître un rouleau complet de papier cul
La honte crie tout fort : mais qui utilise autant de papier toilette ?
La honte se cache
La honte disparaît les jours glorieux où tu expulses un caca bien moulé, bien
dur, bien conforme
Et ce jour là
tu peux répondre , en toute sincérité, oui ça va
Ça va bien aujourd'hui,
C'est une phrase bien propre
Toi tu veux dire, oui ça va, je n'ai pas de caca mou collé au cul, je n'ai pas
les entrailles vrillées, je suis normale, tu comprends ? NORMALE
Personne ne parle du caca mou
C'est dommage
Le caca c'est la vie
Si tu ne fais pas caca, tu meurs
Et quand tu meurs tu fais caca
C'est gênant
Vous êtes gênés
Que je parle
Que je vous parle
En pleine de gueule
De caca mou, collant au cul
De papiers toilettes en kilomètres
Pourtant parfois
on les essence
les cacas mous
honteux
Des collants et gluants
Des cacas parlant
Avec une langue de bois bien dure
Des cacas hurlants
Ils irritent l'intestin
Une douleur sourde permanente
Jamais au repos
Tu ne sais même pas pourquoi tu les consommes quand même, pourquoi tu écoutes
les vidéos de leur merde étalée sur un plateau, pourquoi barbie présentatrice
leur donne la parole, pourquoi connard en costume leur passe le bâton de merde,
pourquoi tu en manges encore alors que tes boyaux saignent du dedans
Ils se postent à l'intérieur
Tu souffres mais tu en avales encore
T'es un.e camée de caca mou
Tu veux vomir
Tu veux chier
Tu les relayes sur les réseaux sociaux avec en commentaire : ils nous font bien
chier ces cacas mous.
Les pires des cacas sont blancs
Ils t'approchent, ta fin est proche
Même assis.e ils te dégueulent dans le bide
Mais tu en manges par convenance
Quand tu es invitée
Tu te sens obligée de plaire aux cacas blancs et mous et collants
Alors qu'ils te tuent
Toi ou une autre
Je veux vomir
alors
Je bois un thé
Un petit thé de fille
Un Darjeling
Je bois un thé
Je n'en ai pas envie
Mais c'est ainsi que je fais
Quand je suis dans une chambre
d'hôtel
Toute vieille
Là où les cacas mous partent mal dans de vieux tuyaux de cuvette sans âge.
Je veux m'allonger
Crever
Mon caca sortira tout seul
Crever
Quelqu'un me dit, t’inquiètes : le caca mou part dans les tuyaux des eaux usés. Ouais, enfin non. Les cacas mous collent aux dents, ils font sauter les plombs, parfois avec un sourire bienveillant. J'ai mal putain. Même allongée sur le côté, les douleurs des cacas mous ne s'évanouissent pas. Ils ont des prénoms : Éric, Philippe, Christian (super collant), Justin, Emmanuel (dire que c'était mon premier amour), Amar, Jean-Francois, Pierre-Yves.
Je suis pliée en deux. Douleur toxique peu intense mais présente. Elle ne me lâche pas. Elle me dit qu’elle veut mon bien, que c’est pour ça qu’elle n’approuve pas mes choix de vie. Je ne veux plus la voir. Elle ne se casse pas. Elle m'emmerde jusqu'à la gorge en jugeant chaque sinusoïdale de mon intestin. Je la sens passer. Je voudrais ne plus en manger, ne plus boire ses paroles. Mais c'est ma mère. Alors j'y retournes, camée aux emmerdes. Je veux vomir. Je veux chier. Elle me fait un thé à la menthe.
De petites aiguilles défilent dans mes intestins. Je veux que ça s'arrête. Je dis : ça va . Je ne parle à personne des petites aiguilles. Personne ne veut connaître mon caca mou. On me propose un café. Ça va aiguiser les aiguilles. Je sais. Je dis oui quand même parce que tout le monde prend du café, et que tout le monde veut être aimer.
J'ai faim, j'ai honte mais j'ai faim. Je veux manger de l'amour frais. J'ai faim. Je veux de l’amour suintant et sucré. Je veux du sexe bien épais. Je veux du fromage dégoulinant. J’ai faim. Mes placards sont vides. Je commande. Je mange de l'amour frelaté. Je le veux aussi serré qu'un café tord boyau. Je ferai caca encore plus vite, encore plus mou. Je vais boucher les chiottes. Et ce sera ma honte.
Il ne faut pas se laisser aller. On m’a toujours dit ça. Il faut se sortir les doigts du cul. Ne pas se laisser terrasser par la honte, ni pas une mère toxique, ni par des mecs. Je cherche une solution. Que faire de ces cacas mous ? Comment évacuer cette montagne de honte molle ? Là comme ça je ne vois pas.
Je me fais un petit thé. Un thé de fille, un darjeling.
Ça me donne envie de pisser.