Le regard de la matriarche est furieux, mais pour une fois je n'en ai cure. Je veux savoir. Jamais je n'aurais osé demandé cela sans le bouclier d'un archange Michel. Aujourd’hui il a pris les traits d'un marchand d'aspirateur bigleux: œil droit grognard œil gauche. Michel le commercial louchait depuis un bon moment sur la bonne affaire, refiler l’aspirateur du mois, l'avaleur de poussières à long manche. La gamine que je suis, peut lui faire perdre le fruit de ses rêves nocturnes. Alors, il tente des explications pour que je retourne planter des pissenlits dans les plate-bandes familiales. Malheureux archange déchu qui ne sait pas que la mère est une amish mormone et monogame exclusive. Elle le fusille des yeux. Malheureux Michel, tu ne sais pas encore que tu vas me servir de paratonnerre. La mère ne risquait ni de me rabrouer ni me mentir devant le détenteur du tuyau magique. Je dois savoir.
- Maman, comment ils viennent les bébés ?
Je n'ai rien compris, à part qu'il fallait un papa et une maman qui s'aiment. Le type repart, son aspirateur derrière l'oreille. Et je me fais engueuler par la mère. On ne pose pas des questions comme ça devant les marchands de poussières. Elle ne comprend pas que l'homme était ange protecteur venu pour que je sache. Son sermon coule sur mes plumes de soie sauvage.
- Il faut un papa et une maman, mais comment il vient le bébé ?
Je n'ai rien compris. Elle m'a parlé de Dieu qui donnait des bébés aux papas et aux mamans. Je voulus insister encore mais je lu dans les yeux de la mère que la magie de l'aspirateur avait disparu avec le monsieur qui louchait en forme de dollars. Alors, j'ai vu, le ciel qui s'ouvrait au-dessus de la couche parental. Un Dieu barbu, perdu dans un nuage doré, donne à mes parents la permission d'avoir un bébé. Il ressemble trait pour trait au type avec des cornes d'or sur la tête qui remet les tables de la loi à Moïse. Je connais bien l'histoire, je la regarde le soir dans mon lit avant de dormir. A Noël, la mère du père m'a offert une jolie bible illustrée pour les enfants. Vivement que je sois adulte. Et mariée. Pour enfin voir Dieu.